La réponse du Père Josselin Scherr
Avec le fléau du Covid-19, remonte dans les consciences le thème très ancien de la colère de Dieu. Dieu peut-il punir ? Sans prétendre faire le tour de ce thème subtil, voici simplement quelques repères.
Tout d’abord Dieu n’étant que Vie, Bonté, Amour, il ne veut ni la souffrance, ni la mort. Jamais ! Mort et souffrance sont les conséquences non pas de Dieu, mais de l’inverse, à savoir le refus de Dieu par ses créatures. Dans la Bible, le livre de la Sagesse dit que « c’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (1). Le refus de Dieu vient avant tout de Satan et d’autres anges déchus, aussi intelligents que séducteurs et mensongers, qui mènent la vie dure à chaque homme, chaque jour, de milles manières, des plus grossières aux plus subtiles (2). Le premier combat que l’homme doit mener est donc spirituel, d’où l’importance de la prière (amour de Dieu) et de la fraternité (amour des hommes) pour combattre le Covid 19. Dire cela n’est pas du tout en contradiction avec la reconnaissance du combat médical et scientifique qui est, justement, une des multiples expressions possibles de la fraternité universelle nécessaire mais non suffisante au salut ! L’homme étant créé libre comme les anges, il est aussi capable de refuser son Créateur et Sauveur. C’est le drame du péché qui génère également souffrances et mort. Pour autant, nous ne pouvons jamais relier directement tel mal de notre vie à notre péché. La réalité est plus mystérieuse !
Et Dieu dans tout ça, me direz vous ? Eh bien de son coté, Dieu fait tout son possible pour réparer nos errances multiples. Saint Augustin dit que « Dieu ne veut pas la souffrance, mais il la permet ». Il faut tenir les deux ensemble : vraiment Dieu ne veut aucune souffrance et, pourtant, il la permet. Reconnaître que Dieu « permet » la souffrance, c’est « garder l’espérance » car cela veut dire que Dieu est capable de se servir de n’importe quel mal pour en tirer, très mystérieusement, un plus grand bien ! Le mystère de la foi, bien que lié à notre intelligence, la dépasse ! Dieu est « tout puissant », non pas au sens d’un « super héros magicien », mais au sens où Dieu se donne sans compter pour aider humainement et spirituellement ses enfants à la tête si dure ! En Jésus, Dieu nous a révélé à quel point il était tout sauf indifférent à notre sort « d’esclaves du péché » et à quel point il était près à tout pour nous sortir des impasses que nous créons nous-mêmes et dont nous avons bon dos d’accuser Dieu ou notre frère en humanité ! C’est le cœur de la foi chrétienne : Dieu ressuscite (nous ouvrant ainsi la vie avec un grand « V ») à partir de son contraire : la mort ! L’espérance chrétienne est absolue ! Rien n’est impossible à Dieu… même si Dieu, respectant notre liberté, ne peut pas nous empêcher de désobéir à son amour.
Ceci étant posé, on peut mieux comprendre le thème de la colère de Dieu, thème que l’on retrouve aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau et qui est donc toujours d’actualité ! Pour bien saisir ce thème, laissons la parole à Joseph Ratzinger qui deviendra un certain Benoit XVI :
« La colère de Dieu exprime que je me suis opposé à l’Amour qu’il est. Qui s’éloigne de Dieu, qui s’éloigne du bien (vu vrai, du beau), s’enfonce alors dans la colère. Qui échappe à l’amour, va vers le négatif. Il ne s’agit pas de quelque chose qu’un dictateur avide de pouvoir vous infligerait, mais c’est simplement l’expression de la logique interne d’une action (humaine et libre). Si je m’éloigne de ce qui est conforme à ce que je suis (…), si je quitte l’amour qui me porte, alors je tombe dans le vide, dans l’obscurité. Alors je ne suis pour ainsi dire plus dans l’espace de l’amour, mais dans un espace qu’on peut considérer comme le lieu de la colère. (Ce n’est donc pas Dieu qui m’y met, je m’y mets tout seul « comme un grand »). Les punitions de Dieu ne sont pas des punitions dans ce sens que Dieu fixerait des amendes et aurait du plaisir à nous les infliger. « Punition de Dieu» est en réalité une expression pour dire que j’ai quitté le bon chemin et que je subis les conséquences découlant de mon égarement et de ma fausse vie » (3).
Heureusement, la Miséricorde de Dieu est sans aucune mesure avec l’endurcissement de mon cœur. De plus, ce pardon de Dieu est gratuit et capable de transformer mon cœur. Telle est notre espérance : que Dieu transforme mon cœur de pierre en cœur de chair, qu’il me donne toujours plus de foi, d’espérance et de charité !
L’homme étant relié mystérieusement à la création, tout repentir humain a des conséquences sur la création et donc sur les fléaux qui sont des conséquences (indirectes !) du péché de l’homme sur l’ordre du monde que Dieu veut harmonieux et paisible. Terminons en laissant la parole au pape François dans sa lettre sur l’écologie intégrale :
« On a tendance à croire que tout accroissement de puissance est en soi un progrès (…) comme si la réalité, le bien et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et économique lui-même (…). L’être humain n’est pas pleinement autonome. Sa liberté est affectée quant elle se livre aux forces aveugles de l’inconscient, des nécessités immédiates, de l’égoïsme, de la violence. En ce sens, l’homme est nu, exposé à son propre pouvoir toujours grandissant, sans avoir les éléments pour le contrôler. Il peut disposer de mécanismes superficiels, mais nous pouvons affirmer qu’il lui manque aujourd’hui une éthique solide, une culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide » (3).
Bref, suivons réellement le Christ et l’Eglise son épouse par qui Il aime se communiquer à nous, et alors le monde tournera toujours plus rond et nous ne passerons pas à coté de l’éternité, mystère de pleine communion avec Dieu et donc avec nos frères dans l’harmonie de la création !
(1) Live de la Sagesse, chapitre 2, verset 24.
(2) Donc ne jouons pas avec, via, par exemple, des pratiques de magie noire, ni même blanche !
(3) Cardinal Ratzinger, Voici quel est notre Dieu, p. 72
(4) Pape François, Lettre encyclique Laodato Si, sur l’écologie, numéro 105.